À propos de Serge Bouillon, par Michel Juncar
Quand Serge Bouillon veut vous demander l'impossible, il vous dit qu'il ne veut rien. Rien, pour lui, c'est tout ; et encore bien d'avantage.
Les grandes idées, comme les grandes perspectives doivent s'exprimer avec des riens.
La mise en scène ? Il souhaite qu'on ne la voit pas. Il aime les plateaux sans décors, où des palais aux lignes pures et somptueuses seraient suggérés par des lumières invisibles.
Avec lui, on en fait toujours trop mais on ne s'exprime jamais assez.
Les auteurs eux-mêmes n'échappent pas à son travail de vivisection.
Il n'accepte leurs mots qu'en tant que support de la pensée cachée.
Le pire, c'est qu'en fin de compte, il fait dire aux comédiens non pas ce qu'il pense lui-même, mais bien ce que l'auteur voulait garder pour lui.
On vous dira qu'il a animé des marionnettes ?
Que vous importe.
Qu'il a été comédien ?
Il fait tout pour l'oublier.
Qu'il a déjà mis en scène telle ou telle pièce ?
Ce n'est pas vrai. Chaque spectacle lui donne l'occasion de mettre en scène pour la première fois.
D'ailleurs, il vous expliquera qu'une mise en scène, pour être efficace, ne doit pasêtre une mise en scène, qu'un comédien ne doit pas être un comédien, qu'un décorateur doit sacrifier tout ce qui fait l'agrément visuel des décors.
Il recherche la perfection en éliminant les détails.
Des riens, des riens, des riens.
C'est fou ce que Serge Bouillon peut faire avec des riens.